Voici une locution souvent entendue du COT (centre opérationnel Transilien) lorsque des anomalies de circulation à un endroit donné de la ligne surviennent sans d’autre explication qu’une perturbation survenue plusieurs heures auparavant voire la veille, allant de la grève fortement suivie au simple bagage oublié, en passant par les inénarrables « pannes sur les installations du gestionnaire de réseau ».
Des conséquences à retardement d’un « bagage oublié »
Pas plus tard qu’avant-hier, c’est un bagage oublié en gare de Choisy-le-Roi sur les quais pour prendre les trains en direction de Paris — le sens pair — qui a perturbé la pointe de matinée. L’équipe de déminage ayant, pour une raison non rapportée par le transporteur, demandé non seulement la suppression de la desserte de la gare mais aussi l’interruption de toutes les circulations pendant plusieurs minutes au plus fort de la pointe, quand une trentaine de trains convergent en une heure vers la gare d’Austerlitz.
L’incident initial a été rapporté vers 7 h 15, relativement tôt dans la pointe. Il a occasionné des retards importants sur la plupart des trains affluant sur Paris jusque après 9 h mais ce n’est pas tout. En effet, les trains allant en direction de la branche Nord ont été retardés, d’où quelques perturbations dans la vallée de Montmorency plus tard. Fort heureusement, le renfort des trains de pointe en provenance de Brétigny (voire de Dourdan pour les deux premiers NARA) a permis d’éviter des suppressions car les trains de tout début de pointe n’ont pas été impactés par l’incident.
Cas plus grave : lendemain de grève
Avant-hier matin, c’était encore assez simple, mais il y a huit jours, mardi 21 mai, le trafic a été beaucoup plus gravement perturbé par un mouvement de grève très suivi, qui a vu la desserte réduite à moins de la moitié du trafic en heure de pointe seulement, et le tronçon central parisien coupé à la circulation. Comme beaucoup d’abonnés dont le poste le permet votre serviteur a télétravaillé.
La communication de la ligne a annoncé de manière un peu rapide que deux trains sur trois circuleraient sur la ligne C « en raison d’un mouvement social ». La grève aurait-elle donc été reconduite sur la ligne C où la gestion du personnel est pour le moins tendue ? Pas du tout ! En réalité la désorganisation des ressources de production — les trains et les conducteurs n’étaient pas tous au bon endroit au bon moment, c’est-à-dire au bon dépôt — combinée à la relative pénurie de ces ressources, a conduit la direction de ligne à assumer une réduction de desserte et le démenti est arrivé par la base.
Ce qui est survenu ce lendemain de grève s’applique également au contexte d’incidents importants, comme par exemple le blocage d’une voie du fait d’une panne quelconque en plein Paris aux heures de pointe, qui empêche de nombreux trains de traverser Paris et conduit à se retrouver avec des trains au mauvais endroit et des conducteurs qui peuvent être amenés à arriver au bout de leur temps réglementaire de conduite, ou à arriver trop tard et ne pas pouvoir reprendre leur service à temps le lendemain matin.
Une fragilité aggravée par la pénurie
Entre la douzaine de convergences et la très forte densité de circulation sur certains tronçons, l’exploitation de la ligne C présente une fragilité importante, et malgré cela elle a toujours maintenu une ponctualité dans ou au-dessus de la moyenne des RER, mais avec une dégradation sensible ces dernières années et des résultats catastrophiques ces derniers mois, « en redressement » comme le rappelle régulièrement la direction de ligne.
D’ordinaire, lorsque les effectifs sont au complet, la ligne C compte 450 conducteurs et 155 rames à 4 voitures ainsi que 14 rames à 6 voitures, permettant de composer jusqu’à 91 trains « longs » ou à 6 voitures. Le service de cœur de pointe, à 8 h comme à 18 h, nécessite la circulation simultanée de 74 trains conduits par autant de conducteurs, plus tous ceux qui sont à la préparation ou au garage (ça commence à cette heure) dans les dépôts. Lorsque des conducteurs ou des rames manquent, les suppressions de trains tendent à se multiplier car il n’y a pas de réserve au dépôt. L’exploitation se rigidifie également car les circulations techniques pour acheminer une rame, voire l’acheminement du conducteur au dépôt ou au départ de la ligne. Bref des suppressions en cascade, « en répercussion ». Et une ligne qui finit par dévoiler lentement son fonctionnement interne à ceux qui savent lire entre les tweets, comme hier matin.