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Un été pas comme les autres sur la ligne C

Vous le savez sans doute déjà, cet été sera très différent des autres sur la ligne C du RER, une des plus concernées par la desserte des sites de compétition olympiques. Non content de longer la Seine où se déroulera la cérémonie d’ouverture et de nombreuses épreuves sur des installations temporaires (ex. Concorde, Champ de Mars, Invalides), la ligne C dessert également des sites de compétition vers Versailles et Saint-Quentin-en-Yvelines, ainsi que le Parc des Princes, via des navettes bus à très haute fréquence (jusqu’à un départ à la minute !).

La place des transports en commun dans les Jeux olympiques

Le comité olympique a émis le souhait que les transports en commun parisiens et franciliens, d’une densité et d’une efficacité peu égalées dans le monde, soient l’ossature de la mobilité des visiteurs pendant les 33èmes Jeux olympiques et les 17èmes Jeux paralympiques qui se dérouleront, pour les premiers du 24 juillet au 11 août, pour les seconds du 28 août au 8 septembre.

Une situation inédite mais pas insurmontable

La question de la capacité de nos transports du quotidien à supporter un tel afflux de passagers a longtemps été débattue, pourtant en plein été la fréquentation des transports en commun est divisée par deux tandis que les touristes porteront la fréquentation à un niveau voisin de celle d’un jour ouvré en pleine période scolaire1. Cependant les flux seront concentrés en des lieux et heures différents. Comme l’expliquait Marc Pélissier lors de sa conférence à l’université populaire de Sainte-Geneviève-des-Bois à laquelle votre serviteur a assisté le 18 juin, l’enchaînement des épreuves dans des lieux emblématiques comme le Stade de France pose un problème logistique particulier, les dispositifs d’accès aux stations de RER voisines étant conçus pour supporter des flux importants dans un seul sens mais pas dans les deux.

C’est pourquoi, pour certains des sites, l’autorité organisatrice a fait le choix, en collaboration avec les transporteurs et les forces de sécurité, de fermer certaines stations trop proches des sites de compétition et d’organiser la répartition des foules accédant aux lieux de compétition entre des stations plus ou moins éloignées, quitte à utiliser des navettes bus (ex. liaison entre le Parc des Princes et la gare du Pont du Garigliano) ou, comme l’a reconnu la présidente de Région, « à marcher davantage ». Pour garder une forme… olympique ?

Pour limiter l’affluence dans les transports en commun et « laisser la place » aux visiteurs olympiques, les Franciliens ont été incités à prendre leurs congés ou télétravailler autant que possible pendant la période olympique. À force de relayer incessamment des craintes sur la capacité du réseau à supporter un tel afflux de voyageurs, et surtout sur ce qui se passerait en cas d’incident, beaucoup ont choisi de se tenir à l’écart des Jeux olympiques.

Une mobilisation sans précédent

Le P. D-G de la RATP, M. Castex, a eu pour consigne d’assurer un plan de transport renforcé, jusqu’à +50% sur la ligne 9 et +20 à 30% sur 5 ou 6 autres lignes de métro, sans mégoter sur les moyens à mettre en œuvre (ex. masse salariale supplémentaire). La RATP a ainsi mis les moyens, procédant en particulier à du « sur-recrutement » pour assurer à la fois la desserte renforcée pendant la période olympique, mais garantir également une desserte nominale hors période olympique, tout en permettant à l’ensemble des agents de jouir de leurs congés payés dans les conditions prévues par la loi et leur contrat de travail.

De par l’importance stratégique de certaines lignes Transilien pour les Jeux olympiques, à commencer par la ligne C du RER, la SNCF a, en dépit de son manque chronique de ressources (agents de conduite et de maintenance), mobilisé des moyens importants pour assurer le plan de transport assez ambitieux pendant les périodes olympique et paralympique que nous allons vous présenter ci-dessous.

Présentation de la desserte spéciale

Période olympique

Du 22 juillet au 11 août, le plan de transport repose sur l’assurance de la circulation, à toute heure de la journée et à l’exception de l’extrême soirée et de l’extrême matinée, des douze trains par heure selon les trois liaisons maîtresses habituelles pour un samedi jusqu’en 2018 :

  • Un aller-retour entre Versailles-Château-Rive-Gauche et Juvisy tous les quarts d’heure (codés VACK et JUJU) ;
  • Un aller-retour entre Pontoise et Massy – Palaiseau alternant tous les quarts d’heure (codés NORA, MONA) avec un aller-retour entre Montigny – Beauchamp et Pont de Rungis (codés GOTA, ROMI)
  • Un aller-retour entre Saint-Quentin-en-Yvelines et, en alternance tous les quarts d’heure, Dourdan et Saint-Martin d’Étampes (codés SARA, DEBA et ELBA)

La seule différence entre cette desserte et la desserte d’un samedi avant 2018 est le prolongement permanent des missions Dourdan à Saint-Quentin-en-Yvelines à l’instar de ce qui se fait en contre-pointe.

À ces trois liaisons maîtresses s’ajoutent des « navettes supplémentaires » à partir de 16 h et jusqu’en fin de soirée entre Bibliothèque François-Mitterrand et Chaville – Vélizy, à raison d’une au quart d’heure (codées très probablement KOBE et FOOT). La desserte sera donc bien une desserte de pointe sur les branches ouest, au milieu des sites de compértition olympiques et une desserte d’heure creuse nominale1 sur les branches Sud et Nord.

Période paralympique

Pendant que tout le monde se préoccupe de la desserte pendant la période olympique, beaucoup oublient que la période des Jeux paralympiques, du 28 août au 8 septembre, combinera une affluence de jour ouvré normal, surtout la semaine de la rentrée, avec l’afflux de 3 millions de touristes et de nombreuses restrictions de circulation afférant aux sites de compétition ou à certaines épreuves. C’est donc pendant cette période que les choses devraient se corser, en particulier pendant la pointe du soir où les déplacements pendulaires et olympiques s’additionneront pleinement.

La réponse a été donnée sur le blog de la ligne. En résumé, le plan de transport pendant la période paralympique consistera :

  • en semaine en un plan similaire à un jour ouvré hors période estivale, avec les pointes à IV, V et VI trains, mais sans doute avec un maintien du cadencement au quart d’heure sur la branche Saint-Quentin-en-Yvelines toute la journée (idem période olympique) et des renforts KOBE/FOOT qui durent toute la soirée ;
  • le week-end en le même plan de transport que pendant la période olympique.

Ce renforcement de desserte sera indispensable pour assurer la desserte directe ou par rabattement bus de nombreux sites de compétition olympiques, et malgré ce renforcement il y aura des périodes de très forte affluence sur la ligne, et pour se dédouaner de tout désagrément le gouvernement a mis en place le site Anticiper les Jeux pour donner un aperçu des conditions en chaque lieu et à chaque heure.

Nous reviendrons dans un prochain article sur la réduction de desserte autour des Jeux.

  1. La fréquentation des transports en commun franciliens se monte à environ 16 millions de trajets par jour ouvré en période scolaire. ↩︎
  2. La liaison Versailles-Château-Rive-gauche – Juvisy a un cadencement nominal de quatre trains par heure en heure creuse. Cependant, la réduction à deux trains par heure hors pointe mise en place pendant la pandémie de Covid-19 attend toujours ↩︎

En répercussion…

Voici une locution souvent entendue du COT (centre opérationnel Transilien) lorsque des anomalies de circulation à un endroit donné de la ligne surviennent sans d’autre explication qu’une perturbation survenue plusieurs heures auparavant voire la veille, allant de la grève fortement suivie au simple bagage oublié, en passant par les inénarrables « pannes sur les installations du gestionnaire de réseau ».

Des conséquences à retardement d’un « bagage oublié »

Pas plus tard qu’avant-hier, c’est un bagage oublié en gare de Choisy-le-Roi sur les quais pour prendre les trains en direction de Paris — le sens pair — qui a perturbé la pointe de matinée. L’équipe de déminage ayant, pour une raison non rapportée par le transporteur, demandé non seulement la suppression de la desserte de la gare mais aussi l’interruption de toutes les circulations pendant plusieurs minutes au plus fort de la pointe, quand une trentaine de trains convergent en une heure vers la gare d’Austerlitz.

L’incident initial a été rapporté vers 7 h 15, relativement tôt dans la pointe. Il a occasionné des retards importants sur la plupart des trains affluant sur Paris jusque après 9 h mais ce n’est pas tout. En effet, les trains allant en direction de la branche Nord ont été retardés, d’où quelques perturbations dans la vallée de Montmorency plus tard. Fort heureusement, le renfort des trains de pointe en provenance de Brétigny (voire de Dourdan pour les deux premiers NARA) a permis d’éviter des suppressions car les trains de tout début de pointe n’ont pas été impactés par l’incident.

Cas plus grave : lendemain de grève

Avant-hier matin, c’était encore assez simple, mais il y a huit jours, mardi 21 mai, le trafic a été beaucoup plus gravement perturbé par un mouvement de grève très suivi, qui a vu la desserte réduite à moins de la moitié du trafic en heure de pointe seulement, et le tronçon central parisien coupé à la circulation. Comme beaucoup d’abonnés dont le poste le permet votre serviteur a télétravaillé.

Tweet officiel annonçant les perturbations à prévoir pour mercredi 22 mai 2024.

La communication de la ligne a annoncé de manière un peu rapide que deux trains sur trois circuleraient sur la ligne C « en raison d’un mouvement social ». La grève aurait-elle donc été reconduite sur la ligne C où la gestion du personnel est pour le moins tendue ? Pas du tout ! En réalité la désorganisation des ressources de production — les trains et les conducteurs n’étaient pas tous au bon endroit au bon moment, c’est-à-dire au bon dépôt — combinée à la relative pénurie de ces ressources, a conduit la direction de ligne à assumer une réduction de desserte et le démenti est arrivé par la base.

Ce qui est survenu ce lendemain de grève s’applique également au contexte d’incidents importants, comme par exemple le blocage d’une voie du fait d’une panne quelconque en plein Paris aux heures de pointe, qui empêche de nombreux trains de traverser Paris et conduit à se retrouver avec des trains au mauvais endroit et des conducteurs qui peuvent être amenés à arriver au bout de leur temps réglementaire de conduite, ou à arriver trop tard et ne pas pouvoir reprendre leur service à temps le lendemain matin.

Une fragilité aggravée par la pénurie

Entre la douzaine de convergences et la très forte densité de circulation sur certains tronçons, l’exploitation de la ligne C présente une fragilité importante, et malgré cela elle a toujours maintenu une ponctualité dans ou au-dessus de la moyenne des RER, mais avec une dégradation sensible ces dernières années et des résultats catastrophiques ces derniers mois, « en redressement » comme le rappelle régulièrement la direction de ligne.

D’ordinaire, lorsque les effectifs sont au complet, la ligne C compte 450 conducteurs et 155 rames à 4 voitures ainsi que 14 rames à 6 voitures, permettant de composer jusqu’à 91 trains « longs » ou à 6 voitures. Le service de cœur de pointe, à 8 h comme à 18 h, nécessite la circulation simultanée de 74 trains conduits par autant de conducteurs, plus tous ceux qui sont à la préparation ou au garage (ça commence à cette heure) dans les dépôts. Lorsque des conducteurs ou des rames manquent, les suppressions de trains tendent à se multiplier car il n’y a pas de réserve au dépôt. L’exploitation se rigidifie également car les circulations techniques pour acheminer une rame, voire l’acheminement du conducteur au dépôt ou au départ de la ligne. Bref des suppressions en cascade, « en répercussion ». Et une ligne qui finit par dévoiler lentement son fonctionnement interne à ceux qui savent lire entre les tweets, comme hier matin.

Capture d’un fil X-Twitter illustrant le cas d’une suppression d’un train partant de Saint-Martin-d’Étampes en heure de pointe le 28 mai 2024.